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Mélampyre des champs: le Blé noir

Date 04/06/2018
Ico Prairies

Melampyrum arvense, Mélampyre des champs, Buxerolles (86)

Mélampyre des champs, Buxerolles (86)


Melampyrum arvense (Mélampyre des champs) appartient à la famille des Orobanchaceae, un clan qui regroupe nombre de Sauvages aux allures excentriques, plus ou moins parasitaires. Tel est le cas du Mélampyre des champs, qui conserve des fonctions chlorophylliennes tout en tirant sa subsistance des racines d'autres plantes autour de lui (essentiellement des Poacées ou Graminées). On dit qu'il est hémiparasite: comprenez à moitié pickpocket.


Melampyrum arvense, Mélampyre des champs, Buxerolles (86)

Mélampyre des champs : un compagnon que les Poacées préfèrent avoir en photo qu'en pension!

Ils font un pain dégueulasse... On se pète les dents dessus!

(Kaamelott, Alexandre Astier)

Le Mélampyre des champs est une annuelle qu'on croisera à l'occasion autour des champs et des prairies calcaires. L'affection que porte la Sauvage au clan Poaceae l'incite à fréquenter les céréales: elle vampirise parfois les champs de blés, où sa présence est modérément appréciée malgré sa belle allure. Non pas tant pour pour ses talents de suceuse de sève, mais parce que ses graines sombres se confondent et se mélangent avec celles du blé à l'heure des moissons. Lorsque c'est le cas, les semences du Mélampyre des champs donnent au pain des taches peu appétissantes, violacées-rougeâtres; une mie bigarrée un brin toxique pour certains auteurs, inoffensive pour d'autres... Difficile de trancher quant à la dangerosité de la baguette à pois rouges. Reste que la Sauvage doit à cette réputation son nom de baptême: Mélampyre vient du grec mélas, noir, et pyros, le blé, littéralement le «Blé noir».


Mélampyre des champs, le Blé noir (Sauvages du Poitou)


Melampyrum arvense, Mélampyre des champs, Buxerolles (86)

Moue boudeuse de la fleur du Mélampyre des champs... Le dessin lui a déplu?


Si gâcher le pain est un méfait difficile à pardonner pour un esprit français, parcourons tout de même les travaux de Gerard Ducerf: le botaniste nous apprend (Encyclopédie des plantes bio-indicatrices volume 3) que c'est précisément la carence en azote du sol qui lève la dormance du Mélampyre des champs. En parasitant et en freinant les ardeurs des Poacée — de grandes consommatrices d'azote — notre vampire végétal enraye la dégradation des sols dans lesquels on aurait trop puisé... Ainsi, le Mélampyre des prés assure un contrepouvoir salutaire face aux graminées et aux céréales lorsque celles-ci risquent d’appauvrir le milieu à l'excès; encore une fois, la nature est bien faite, et rien n'est jamais strictement mauvais ou nuisible à l'échelle de l'interdépendance.


Melampyrum arvense, Mélampyre des champs, Buxerolles (86)

Feuilles rudes du Mélampyre des champs: opposées, sessiles, lancéolées, linéaires.


Plutôt que de finir dans une boulangerie, Le Mélampyre des champs préfère l'assistance du peuple fourmi pour disperser ses graines sur le territoire (myrmécochorie). Les semences, équipées d'une substance nourricière (élaïosome) pour appâter les insectes, sont embarquées jusque dans les fourmilières ou abandonnée en cours de route.


Melampyrum arvense, Mélampyre des champs, Buxerolles (86)

Fruits (capsules) du Melampyre des champs: le «Blé noir», ou le côté obscur de la baguette.


Et pour susciter au plus tôt la compagnie des fourmis autour de ses fleurs, le Melampyre des champs affiche un autre festin très généreux à leur destination: des petites glandes noires (nectaires) chargées d'un précieux nectar sont parsemées sur ses bractées flamboyantes.


Melampyrum arvense, Mélampyre des champs, Buxerolles (86)

Nectaires sur les bractées du Melampyre des champs: un restaurant trois étoiles pour le peuple fourmi.


Le genre Mélampyre est riche d'une petite dizaine d’espèces, tous hémiparasites. On reteindra pour les plus courants sur le sol français:


Melapyrum cristatum, Mélampyre à crête, Saint Benoît (86)


Le Mélampyre à crête (Melapyrum cristatum), une annuelle aux bractées dentées comme des crêtes qui fréquente les lisière et les clairières forestières. Commun dans l'est du pays, il se fait de plus en plus rare au fur et à mesure qu'on se rapproche de la côte ouest.


Melampyrum pratense, Mélampyre des prés, Saint-Auvent (87)


Le Mélampyre des prés (Melampyrum pratense), une annuelle au longues fleurs jaunes pâles (blanches en fin de floraison) disposées par paires, qu'on rencontre dans tout le pays à l'ombre des sous bois. Le Mélampyre des prés a aussi pour habitude de côtoyer les fourmis (qui dispersent ses graines); mais un autre spectacle attend l'observateur chanceux près de ses colonies, comme pourrait le raconter Olivier Pouvreau, le lépidoptériste de Sauvages du Poitou :



Le petit monde de Melampyrum pratense


Melitaea, Sauvages du Poitou !


Quand la belle saison s’installe en Poitou, les prairies et lisières forestières s’égaient des papillons aux ailes orangées quadrillées de noir. Ils appartiennent au genre Melitaea (plus connu sous le nom de «Mélitées») dont l’étymologie vient de «miel», une référence non pas tant à leur couleur qu’à leur goût prononcé pour le nectar. Au sein de leur monde, l’une de ces Mélitées va nous occuper en particulier. Il s’agit de Melitaea athalia, appelée Damier Athalie ou justement, la Mélitée du mélampyre.


Melitaea athalia, Mélitée du mélampyre, Forêt de Moulière (photo Olivier Pouvreau)

Mélitée du mélampyre (Melitaea athalia), Forêt de Moulière (86)


S’il arrive de la trouver sur coteau calcaire, la Mélitée du mélampyre est avant tout familière des allées forestières où elle butine ronces, marguerites, renoncules, bruyères… En Poitou, c’est une bête de juin-juillet dont les émergences peuvent être par endroits assez spectaculaires. Le 29 juin 2016, une randonnée en forêt de Moulière m’amena à en rencontrer une, puis deux, puis des dizaines! Je compris la cause de leur concentration: elle correspondait à la présence de belles stations de Mélampyre des prés, notre Sauvage servant de plante-hôte aux chenilles. Dans les faits, sur le revers des feuilles basses des Mélampyres, les Mélitées femelles vont déposer jusqu’à 400 œufs en plusieurs pontes. Les chenilles, assez grégaires, passeront l’hiver dans une feuille sèche à même la litière pour se nymphoser au printemps suivant, jamais loin de leurs Mélampyres chéries. Les Mélitées forment un genre complexe qui fait s’arracher les cheveux aux lépidoptéristes. Aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos clichés de ces papillons (si possible poitevins), l’équipe de Sauvage du Poitou se fera un plaisir tout capillaire de (tenter de) les identifier!


Melampyrum pratense, Mélampyre des prés, Forêt de Moulière (photo Olivier Pouvreau)

Colonie de Mélampyre des prés, Forêt de Moulière (86)




Pour aller plus loin :

- Melampyrum arvense sur Tela-botanica

- Melampyrum arvense : identification assistée par ordinateur

- Melampyrum cristatum sur Tela-botanica

- Melampyrum cristatum : identification assistée par ordinateur

- Melapyrum pratense sur Tela-botanica

- Melampyrum pratense : identification assistée par ordinateur



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Mot-clefs de ce billet...
Orobanchaceae toxique


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