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Datura officinal, le sorci'hérisson
Date 11/11/2020
Ico Villes, chemins & terrains vagues

Datura stamonium, Datura officinal, Poitiers quartier gare

Datura officinal : l'épouvantable épouvantail!


Datura stramonium (Datura officinal ou Stramoine) appartient une famille de Sauvages un peu sorcières, celle des Solanaceae, de la Mandragore (Mandragora officinarum), de la Belladone (Atropa belladonna) ou de la Morelle noire (Solanum nigrum). Autant de plantes réputées pour leur toxicité ou leur pouvoirs psychotropes, due aux alcaloïdes qu'elles synthétisent. Mais de la sorcellerie à la ratatouille, il n'y a qu'un tout petit chaudron: ce clan est aussi celui de nos chères Tomates, de la Pomme de terre, du Poivron ou de l’Aubergine.


Datura stamonium, Datura officinal, Île de Ré (17)

Floraison tardive (juillet à octobre) du Datura officinal: la «Trompette de la mort».

  A un moment, le sorcier s’est mis à nous menacer avec ses parties génitales.

(Kaamelott, Alexandre Astier)

Sorcier hérissé chez les Solanacées, le Datura officinal est précédé par son aura sulfureuse. En témoignent ses multiples surnoms: il est l'Herbe aux fous, l'Herbe du diable, l'Herbe aux sorcières, la Pomme poison ou la Trompette de la mort... Datura dérive de l'arabe tatorâh, où l'on retrouve la racine du mot tat, «piquer» : son surnom le plus célèbre est sans doute la Pomme épineuse, à cause de ses fruits gros comme des noix (des capsules) couverts de robustes épines.


Datura officinal, le sorci'hérisson! Sauvages du Poitou


Datura stamonium, Datura officinal, Île de Ré (17)

Datura officinal ou Pomme épineuse, Île de Ré (17)


Le Datura est une annuelle robuste qui pousse dans les champs cultivés, les friches, les décombres... Il aime les sols fraîchement retournés, de préférence frais et riches en nitrates (issus des amendements et/ou de la pollution). C'est une adventice bien connue des cultures maraichères, mal venue à cause de sa toxicité, car pouvant «contaminer» certaines récoltes (farines, conserves, maïs ensilé pour le bétail...).


Datura stamonium, Datura officinal, Vouneuil-sur-Vienne (86)

Datura officinal: 40 centimètres à 1 mètre de hauteur pour ce sorcier qui ne manque ni de force ni d'élégance.


L'évocation de la toxicité du Datura n'étonnera personne. Il n'est gère difficile de dénicher ici et là des citations qui évoquent les usages anciens du Sauvageon dans des rites magiques ou chamaniques: fumigation hallucinogène (en fait délirogène) sur le continent américain, charme magique en Afrique du nord (philtre d'amour) ou en Inde (breuvage abrutissant), potion «zombi» dans les rites vaudous en Haïti...! On retiendra surtout que la dangerosité du Datura est avérée, dans toutes les parties de la plante, et que sa consommation a généralement pour conséquence une hospitalisation. On ne joue pas plus avec le Datura qu'avec le feu.


Et puisqu'on parle de feu: ne brûlez pas les pieds arrachés, la fumée alors provoquée étant toxique si inhalée. L'histoire de France se souvient d'ailleurs d'un gang de vauriens connus sous le nom d'endormeurs (18ème siècle), qui offraient à leur victime un tabac coupé aux semences de Datura, profitant ensuite de leur délire ou de leur assoupissement pour les détrousser!


Datura stamonium, Datura officinal, Île de Ré (17)

Semences toxiques du Datura officinal.


On entend souvent que même les Doryphores, des coléoptères dont les larves raffolent des Solanacées (surtout des Pommes de Terre), s'intoxiqueraient en dévorant le Sauvageon... A vrai dire, cette légende potagère a peu de chance d'être fondée, le Datura officinal pouvant plus probablement servir de plante hôte (secondaire) à ces insectes «croque sorcières».


Bien sûr, il existe aussi des usages médicinaux (asthme, névralgies...) du Datura officinal, ancestraux ou contemporains (les feuilles de la plante sont inscrites à la liste A de la pharmacopée française). La dangerosité du Sauvageon les réserve toutefois au corps médical. Tous ces récits n'ont probablement rien de bien neuf pour vous: le Datura offcinal est une célébrité parmi les Sauvages, même s'il endosse le plus souvent un rôle de mauvaise graine. Mais il est une dernière histoire qui mérite d'être évoquée, celle des origines géographiques des Datura.


Datura stamonium, Datura officinal, Vouneuil-sur-Vienne (86)

Feuilles alternes, glabres, ovales, au bord irrégulièrement denté et au sommet pointu du Datura officinal.


L'aire originelle des diverses espèces de Datura n'est pas très claire: Amérique pour les uns (Carl von Linné), Europe (Antonio Bertoloni) ou Asie (William Darlington) pour les autres... On considère aujourd’hui que le genre est issu du nouveau monde, et que le Datura officinal trouve ses origines autour du Mexique. L'introduction européenne de ce vieux Cabrón serait une des conséquences de la conquête de l'Amérique par Christophe Colomb, Saint Patron du brassage des populations végétales. Mais rien n'est complètement tranché: l'examen d'ouvrages andalous (Muhammad ibn Aslam Al-Ghafiqi) et d’iconographies indiennes laissent penser que quelques espèces du genre foulaient peut-être le sol du vieux continent bien avant les expéditions de Colomb (confère les travaux de R. Geeta)...


Dans la partie de la France qui me concerne (Poitou-Charentes), le Datura officinal est considéré comme un voyageur suspect, une invasive potentielle à surveiller (Liste hiérarchisée des plantes exotiques envahissantes d’Aquitaine, 2016), même si sa capacité d'envahissement reste pour l'heure modérée, concentrée autour des zones urbaines ou cultivées (c'est près des cultures qu'il est le plus gênant). L'installation d'un sorcier exotique en ville s'accompagne forcément de son lot d'inquiétudes et de suspicions!


Pour aller plus loin:

- Datura officinal sur Tela-botanica

- Datura officinal : identification assistée par ordinateur

 

Familles de la flore française (Game of thrones et botanique, épisode 4)
Date 15/12/2019
Ico Initiation à la botanique joyeuse!

Botany is coming, deuxième saison! Sauvages du Poitou


Cet article fait suite à notre trilogie fantasy à succès consacrée aux grandes familles en botanique. Lors des épisodes précédents, nous avions survolés les familles les plus importantes de la flore française en terme de nombre d’espèces: Astéracées, Poacées, Fabacées, Rosacées, Brassicacées, Caryophyllacées, Apiacées et Lamiacées regroupent à elles seules près de la moitié des espèces végétales françaises (indigènes et naturalisées). Avaient aussi été évoquées les prestigieuses lignées Renonculacées, Orchidacées et la «vieille» famille des Liliacées. Enfin, la troisième session nous avait présenté des maisons plus modestes, mais pas moins admirables, telles que les Boraginacées, Rubiacées, Campanulacées, Amaranthacées, Euphorbiacées et Crassulacées. Dans cette nouvelle saison, place a des clans moins fournis, mais hauts en couleurs et surtout riches en personnalités!



House Polygonaceae, Sauvages du Poitou!
Un adolescent s’était agenouillé, et c’était un chevalier qui se relevait.
(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)
Les Polygonacées comptent une cinquantaine d’espèces sur le sol français. Elles tirent leur nom des termes grecs polys, «plusieurs» et gonu, «genoux»: leur tige solide est parcourue par de nombreux nœuds comme autant d’articulations. Autre spécificité: une gaine membraneuse (l’ochréa) enveloppe leur tige au point d’insertion des pétioles.

Persicaria maculosa, Renouée Persicaire, Poitiers
Ochréa de la Renouée Persicaire (Persicaria maculosa)

Les feuilles des Polygonacées sont alternes, simples et généralement entières. L’observation de leurs fruits trigones (ovaire supère) est souvent un critère d’identification important. C’est (entre autres) le clan des petites ou des grandes Renouées, des Sarrasins, des Rhubarbes ou des Oseilles (Rumex spp, environ 25 espèces en France).

Rumex acetosa, Oseille des prés, Poitiers quartier gare
Fruits trigones de l'Oseille des prés (Rumex acetosa)



House Geraniaceae, Sauvages du Poitou!

Willos a les meilleurs oiseaux des Sept Couronnes... Il fait parfois voler un aigle, vous verrez. (Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

On retrouve à la tête des Géraniacées (une quarantaine d’espèces en France) plusieurs géraniums sauvages et citadins. Leurs fleurs comptent cinq pétales, cinq sépales et dix étamines. Leurs feuilles sont stipulées, souvent velues et très découpées. Géranium dérive du grec geranos, la grue, les fruits des Géraniacées (des pentakènes) présentant généralement des pointes qui évoquent le bec d’un oiseau (ovaire supère). A maturité, leurs styles s’enroulent brusquement sous l’effet de la chaleur, catapultant les semences alentour.


Geranium robertianum, Geranium molle et Geranium dissectum

Herbe-à-Robert (Geranium robertianum), Géranium à mou (Geranium molle) et Géranium découpé (Geranium dissectum, fruits)


C’est aussi le clan des Érodiums qui empruntent leur nom au grec erodios, le héron. Les célèbres fleurs ornementales de nos balcons, injustement nommées «géraniums», sont en réalité des Pélargoniums, également membres de cette famille mais originaires d’Afrique du sud, aux fleurs irrégulières. Ils tirent leur nom du grec pelargos, la cigogne… De la botanique à l’ornithologie, il n’y a qu’un tout petit pas!


Erodium cicutarium, Bec de grue, Brenne (36)

Bec de grue (Erodium cicutarium), Brenne (36)



House Papaveraceae, Sauvages du Poitou!

L’exposition des drogues du mestre avait un aspect impressionnant : des dizaines de pots cachetés, des centaines de fioles bouchées, autant de bouteilles d’opaline, d’innombrables jarres de simples. (Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Les Papaveracées composent une petite famille d’une quarantaine d’espèces en France. Leurs membres possèdent des feuilles alternes et découpées, une paire des sépales caducs qui se détachent et tombent lors de la floraison, des fleurs spectaculaires et éphémères à quatre pétales chiffonnées dans leur bouton, flanquées d’une bardée d’étamines.


Paire de sépales caducs du Coquelicot (Papaver rhoeas)


C’est le clan des Pavots, des Coquelicots ou de la Grande Chélidoine. Les Papavéracées produisent du latex et contiennent presque toutes des alcaloïdes aux propriétés sédatives ou analgésiques. Leurs fruits sont des siliques ou des capsules (ovaire supère). Dans la classification récente, cette famille intègre aussi les Fumariacées (une vingtaine d’espèces en France) comme les Corydales ou les Fumeterres, des sauvages aux fleurs irrégulières et aux feuilles très découpées.


Corydale solide, Corydalis solida, Persac (86)

Corydale solide (Corydalis solida), Persac (86)



House Malvaceae, Sauvages du Poitou!

Comment pareille douceur pourrait-elle être un crime passible de pendaison?

(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Les Malavacées comptent environ trente représentants en France*. Ceux-ci présentent des qualités mucilagineuses (épaississantes et adoucissantes) et ont souvent été utilisés à des fins alimentaires. Leurs feuilles sont alternes, souvent palmées (nervation), leurs fleurs ont cinq pétales, tordus et enroulés sur eux-mêmes dans les jeunes boutons floraux. Elles présentent un double calice (le calice extérieur se nomme calicule).


Malva sylvestris, Grande Mauve, Poitiers quartier gare

Calicule et bouton floral de la Grande Mauve (Malva sylvestris): la douceur d'un cornet de glace!


Les quelques espèces françaises ont un «air de famille» manifeste; c’est un clan qu’on reconnait assez facilement sur le terrain. On croisera dans leur rang les Mauves, les Lavatères ou les Guimauves pour les plus connues.


Althaea officinalis, Alcea rosea et Malva setigera

Guimauve officinale (Althaea officinalis), Rose trémière (Alcea rosea) et Mauve hérissée (Malva setigera).



House Solanaceae, Sauvages du Poitou!

- Une sorcière des bois? La plupart sont des créatures inoffensives. Elles ont quelques notions rudimentaires d’herboristerie, elles savent un rien d’obstétrique, mais autrement...

- Elle était plus que ça.

(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Les Solanacées forment une petite famille (une trentaine d’espèces en France) dont les membres présentent des fleurs à cinq pétales soudés, cinq sépales soudés, cinq étamines et des feuilles alternes, non stipulées. Elles concentrent généralement de nombreux alcaloïdes, les rendant toxiques ou leur conférant des effets variés. Nombre de Solanacées étaient des «plantes de sorcières», comme la Mandragore, la Belladone ou le Datura officinal.


Atropa belladonna et Datura stramonium

«Cerise du diable» de la Belladone (Atropa belladonna) et silhouette fantastique du Datura officinale (Datura stramonium): un bonbon mortel ou un sort?


Les Solanacées sont pourtant la deuxième famille de plantes alimentaires pour l’homme, derrière les Poacées (céréales): ce clan est celui de la Pomme de terre, de la Tomate, du Poivron ou encore de l’Aubergine. C’est aussi la famille du Tabac, une plante qui synthétise un alcaloïde dangereux, la nicotine.


Solanum nigrum, Morelle noire, Poitiers bords de Clain

Morelle noire (Solanum nigrum), alias «Tue-chien»!



House Plantaginaceae, Sauvages du Poitou!

Les échoppes, en bas, semblaient proposer toutes les merveilles divines de l’univers.

(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Dans la classification classique, les Plantaginacées ne comptaient qu’une vingtaine d’espèces en France, des Plantains pour la plupart. Depuis la classification récente, ce clan s’est vu renforcé d’une centaine d’espèces issues de plusieurs familles remaniées ou obsolètes. C’est ainsi que les Véroniques, les Digitales, les Linaires, les Globulaires - pour n’en citer que quelques-unes - sont aujourd’hui très officiellement «sœurs de sève» des Plantains…


Plantago media, Veronica persica, Cymbalaria muralis et Globularia bisnagarica

Plantain moyen (Plantago media), Véronique de Perse (Veronica persica), Cymbalaire des murs (Cymbalaria muralis) et Globulaire commune (Globularia bisnagarica).


Aux yeux du quidam, les «nouvelles» Plantaginacées représentent une famille étrangement cosmopolite, pour ne pas dire un grand bazar. L'exercice serait peut-être plus évident si nous étions des papillons: la Mélitée du plantain abandonne ses chenilles aux Plantains comme à quelques Véroniques, la Mélitée orangée oscille entre Plantains, Linaires, Digitales ou Véroniques. Comme quoi, dans le domaine de la botanique, les insectes possèdent un feeling qui nous fait cruellement défaut! On retiendra que le plus souvent, les feuilles des Plantaginacées sont simples et leurs fleurs irrégulières.


Melitaea didyma sur Plantago lanceolata, Biard (86)

Pas besoin de leçons de botanique pour la chenille de la Mélitée orangée (Melitaea didyma)!

(ici sur Plantain lancéolé, Plantago lanceolata)


Game of thrones et botanique, les autres épisodes:

- Épisode 1: Asterceae, Poaceae, Fabaceae, Rosaceae et Brassicaceae.

- Épisode 2: Apiaceae, Caryophyllaceae, Lamiaceae, Liliaceae, Ranunculaceae et Orchidaceae.

- Épisode 3: Boraginaceae, Rubiaceae, Campanulaceae, Amaranthaceae, Euphorbiaceae et Crassulaceae.


Et pour le plaisir, le fil rouge de notre article...

- Le cycle fantasy Le Trône de fer par George R. R. Martin!

 

Morelle noire: sorcellerie ou ratatouille?
Date 28/06/2019
Ico Villes, chemins & terrains vagues

Solanum nigrum, Morelle noire, Villeurbanne (69)

Morelle Noire, Villeurbanne (69)


Solanum nigrum (Morelle noire) appartient au clan Solanaceae, aux côtés des pommes de terre, des tomates, des aubergines, mais aussi des fantastiques Mandragore (Mandragora officinarum), Datura officinal (Datura stramonium) et Belladone (Atropa belladonna); des plantes connues pour leur toxicité ou leur pouvoirs psychotropes, due aux alcaloïdes qu'elles synthétisent pour se protéger des assauts des herbivores.


Solanum nigrum, Morelle noire, Louhossoa (64)
Morelle noire: ange ou démon?

- Comment vous trouvez le poulet?

- Mort.

(Après vous, Pierre Salvadori)

La Morelle noire n'est pas en reste: les baies noires qu'elle produit sont toxiques avant maturité. La solanine contenue dans ses fruits - substance que l'on retrouve aussi dans les parties vertes des pommes de terre ou les feuilles des pieds de tomates - est dangereuse pour l'homme comme pour les animaux domestiques. Ce qui vaut à la Morelle noire des surnoms poétiques, tels que Tue-chien ou Crève-poule en poitevin-saintongeais!


Solanum nigrum, Morelle noire, Louhossoa (64)

Baies mûres de la Morelle noire, Louhossoa (64)


Étonnamment, ses jeunes feuilles bouillies et ses fruits mûrs confits dans le vinaigre sont consommés dans certains pays (Europe de l'est, Afrique, Asie orientale): ses baies perdent leur toxicité à maturité (attention, la nature du sol et du climat jouent aussi un rôle dans sa dangerosité). C'est pourquoi on la croise parfois sur les étals des marchés multi-ethniques parisiens! En Amérique du Nord, on cultive une espèce alimentaire à gros fruits très proche de la Morelle noire (Solanum Retroflexum) surnommée Wonderberry (la «Baie miraculeuse»). Impossible de ne pas faire le parallèle avec l'histoire de la Tomate, qui fut considérée comme une plante ornementale toxique en France jusqu'au 17ème siècle, avant que d'être apprivoisée et adoptée par les cuisiniers. Pour certains auteurs, la réputation mortelle de la Morelle noire serait exagérée, injustement confondue avec celle de la Belledone (dictionnaire des drogues simples et composées de Alphonse Chevallier, Achille Richard et J.-A. Guillemin chez Béchet Jeune, 1828). Les oiseaux (Pigeons, Corneille noire, Rouge-gorge familier, Merle noir, Grives, Fauvettes...) picorent ses baies à maturité, puis les sèment via leurs fientes, propageant de par la même les semences sur le territoire (endozoochorie).

Solanum nigrum, Morelle noire, Poitiers bords de Clain
Morelle noire : des feuilles ovales à lancéolées, le plus souvent légèrement dentées ou lobées.

La Morelle noire est une annuelle, favorisée par les sols engorgés en matière organique, en azote et en potassium. La Sauvage apprécie les zones de décombres, ainsi que les amendements excessifs des cultures ou des jardins familiaux. Les pollutions industrielles ne la font guère trembler. Elle tolère certains métaux lourds (cadmium, arsenic) qu'elle peut accumuler dans ses racines et ses tiges. Une résistance qui en fait une candidate idéale pour la phytoremédiation des sols.

La Morelle noire peut montrer d'importantes variations morphologiques (plante glabre à légèrement pubescente, couleur des fruits, forme des feuilles...). La confusion avec d'autres Solanum reste possible. Toutes sont potentiellement toxiques.

Solanum villosum, Morelle poilue, Poitiers chemin de la Cagouillère
Une fausse jumelle: la Morelle poilue (Solanum villosum), une rudérale (relativement) velue dont les fruits sont rouges ou orangés à maturité.

Solanum chenopodioides, Morelle faux chénopode, Île de Ré (17) Solanum chenopodioides, Morelle faux chénopode, Île de Ré (17)
Autre fausse amie: la Morelle faux chénopode (Solanum chenopodioides), qu'on rencontre dans la sud de la France et sur la côté atlantique (ici sur l'Île de Ré). Elle se distingue de la Morelle noire de par son port arbustif, sa tige ligneuse à la base, ses fruits noir violacé et ses feuilles non ou peu dentées.

La Morelle douce-amère (Solanum dulcamara), très commune, présente quant à elle de jolies fleurs violettes, des baies rouges à maturité et un port de liane caractéristiques.
Depuis tout petit, je suis coupable: j'ai toujours été coupable.
(Rien à déclarer, Dany Boon)

En Europe, la famille Solanaceae est intimement liée à l'histoire de la sorcellerie. Mandragore, Belladone, Datura, Jusquiane: autant de plantes dangereuses, voir mortelles pour celui qui les utilise à mauvais escient, mais qui peuvent devenir de puissants psychotropes entre des mains initiées. On raconte que les sorcières fabriquaient un onguent avec la Morelle noire, dont elles se recouvraient le corps pour aller au sabbat en songe (assemblée nocturne de magiciennes)! Pour certains auteurs, Solanum viendrait d'ailleurs du latin solari, «je console», à cause de ses propriétés narcotiques et calmante (ses parties aériennes et ses fruits sont inscrits à la liste A des plantes médicinales de la pharmacopée française). La Morelle noire aurait également servi à confectionner une encre qui permettait de communiquer avec les défunts, ou des encens (aux fumées toxiques) pour faire offrande aux divinités crépusculaires... Brrrr!


Morelle noire, Sauvages du Poitou!


Bref, la Morelle noire s'est taillé à travers l’histoire une aura sulfureuse et peu catholique. Pas étonnant qu'elle reste aujourd'hui cantonnée au rayon des «mauvaises herbes» sous nos latitudes et que ses potentialités soient le plus souvent ignorées. Au village, sans prétentions, la Morelle a-t-elle mauvaise réputation?


Leptinotarsa decemlineata, larve de Doryphore, Poitiers quatier Bellejouanne

Larve de Doryphore: aux couleurs d'Halloween!


Peut-être que sa rédemption viendra des potagers où elle est parfois vue d'un bon œil par les jardiniers: les Doryphores (Leptinotarsa decemlineata, des grands amateurs de Solanacées) bouloteraient à l'occasion notre ex-magicienne plutôt que les rangs de patates (ou plus rarement de tomates ou d'aubergines). Après l'arrachage et la récolte des pommes de terre, attention à ne pas tolérer plus longtemps la (les) Morelle(s) autour des potagers: la Sauvage pourrait devenir un refuge de premier choix pour ces ravageurs croque-sorcières!


Solanum tuberosum, Pomme de terre, Poitiers quartier Chilvert

En guise de conclusion, deux incontournables du genre au potager: Solanum tuberosum, alias la Pomme de terre...


Solanum lycopersicum, Tomate cultivée, Poitiers quartier Chilvert

... Et Solanum lycopersicum, alias la Tomate cultivée. De la sorcellerie à la ratatouille, il n'y a qu'un tout petit chaudron!


Pour aller plus loin:

- Solanum nigrum sur Tela-botanica

- Solanum nigrum : identification assistée par ordinateur

- Solanum nigrum, un article de fond sur le blog de J.F.Dumas


Lecture recommandée:

- Black Nightshades: Solanum Nigrum L. and Related Species de Jennifer M. Edmonds, James A. Chweya aux éditions IPGRI (english)

 

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